Des secrets aux confidences : faut-il tout dire aux enfants et ados?

13/04/2021

Des secrets aux confidences : faut-il tout dire aux enfants et ados?

Secrets de famille, mort d'un proche, Problèmes de couples ou familiaux, histoires de famille, ennuis du quotidien ... Que dire et comment ? J'ai assisté à une conférence très intéressante sur ce thème, animée par le psychologue Bruno Dal Palu, formateur en EmètAnalyse. Voici ce que j'en retiens, avec ma petite touche personnelle !

Faut-il tout dire ?

En tant que parent, il s'agit d'être bientraitant avec nos enfants, c'est à dire être bienveillant en tenant compte de leur vulnérabilité en fonction de leur âge. La bienveillance implique le bien dire, et pas à n'importe quel moment. Parfois, il peut être bientraitant de ne pas tout dire, parfois pas ! De même, surprotéger l'autre n'est pas non plus une bonne idée ! La posture à adopter est donc tout en finesse, sans généralité. On peut donc tout dire, ce qui est possible d'être entendu, à condition de bien le dire et au bon moment.

Le bien dire ne signifie pas dire le Bien (ce qui serait bien ou mal pour l'autre), mais bien dire à celui qui peut entendre. De même, il y a une pudeur nécessaire à avoir, il ne s'agit pas d'être dans la nudité ! Par exemple, il y a des choses que l'enfant n'a pas besoin de savoir, comme des conflits conjugaux et de la jouissance entre les parents : on ne les met donc pas en scène devant lui! Assister aux conflits conjugaux peut être très anxiogène pour l'enfant. Il y a ce qui concerne les adultes et ce qui concerne les enfants. Il ne s'agit pas d'être intrusif devant l'intimité de l'autre. (ce qui est vrai aussi dans le couple)

On peut tout dire ce qui les concerne.

 

Ce que l'enfant peut entendre

L'âge et la maturité de l'enfant entrent en jeu, bien sûr, pour déterminer ce qu'il sera en capacité d'entendre et de comprendre pour que ce soit positif pour lui. Ainsi, par exemple, un enfant de moins de 4 ans ne peut pas vraiment saisir ce que vit l'autre. C'est à cette période que se mettent en place les neurones miroir, la fonction symbolique, et le début de la capacité d'empathie. L'enfant acquière un bon niveau de raisonnement et d'abstraction vers 7 ans, l'âge de raison. C'est pourquoi il est des vérités qui ont besoin d'attendre cette maturité de compréhension pour être dites. Par exemple, dans le cas d'une adoption, dire trop tôt peut entraver la construction du lien d'attachement en l'insécurisant avec la peur de l'abandon. S'il est possible d'attendre cet âge de raison vers 7 ans pour en parler à l'enfant, c'est mieux : l'attachement aura pu se faire de façon sécure, et l'enfant comprendra mieux son histoire. De même, on ne dit pas à un enfant de 3 ans que papy est "au ciel": à cet âge là, l'enfant n'a pas encore accès au symbolique, il ne peut pas comprendre ce qui veut être dit.

 

Par rapport à la mort

Pour la mort d'un proche, souvent un enfant ne pleure pas, et c'est normal.  Même entre 6 et 12 ans. Ils soutiennent leurs parents.  Souvent ce sont nous adultes, qui projetons nos souffrances sur les enfants. Il faut que l'enfant vive sans avoir conscience de la mort, oublier qu'on est mortel, sinon cela crée une angoisse forte, pouvant amener à développer par exemple des TOC, rituels de protection pour faire baisser l'angoisse de mort, pour que sa mère ou ses parents ne meurent pas. Il faut donc éviter une effraction de la mort avec les enfants petits, ce qui casserait l'insouciance de l'enfance. Que leur dire alors ? Parfois nommer la mort doit se faire, alors cette formule est aidante : l'important est que tu sois vivant, que je sois vivant, et maintenant on joue ! Si l'adulte est calé avec cela, l'enfant ne sera pas traumatisé. Le jeu permet à l'enfant de symboliser les circonstances, c'est thérapeutique pour lui. S'il joue, c'est qu'il n'est pas traumatisé et qu'il se construit correctement !

Pour l'ado confronté à la mort, il est important qu'il ait un projet, de l'aider à avoir un projet. Alors il sera occupé par son projet et non plus préoccupé par la mort.

 

Ce que l'enfant / l'ado ne dit pas

Les enfants et les ados sont les 1ers à ne pas tout dire. Parfois, l'enfant ne dit pas pour protéger ses parents, il refoule alors ce qu'il ne dit pas, et cela peut se dire ensuite sous forme de symptôme. Parfois l'enfant / l'ado n'ose pas dire parce qu'il perçoit ses parents comme pas assez costauds pour entendre, ou parce qu'il n'est pas sûr que cela puisse être entendu correctement, sans jugement (notamment pour les ados). Ce qui n'est pas dit s'exprime de manière symptomatique, comme un retour du refoulé qui s'impose pour pouvoir guérir. Il s'agit alors d'entendre ce que l'enfant / l'ado ne peut pas dire et qui s'exprime sous forme de mal au ventre, anorexie, opposition, etc... Chercher à comprendre est au cœur de la bienveillance. Pour les parents, être attentifs et vigilants aux petits symptômes est important, de même qu'intervenir le plus tôt possible, c'est toujours une parole empêchée. 

Il est donc important que les choses puissent se dire, pour ne pas aller se dire de façon symptomatique.

 

De génération en génération ?

Parfois un mal-entendu (ou un secret) crée un malentendu qui se transmet de génération en génération. Il s'agit d'une communication inconsciente, en creux, comme un moule de santon, contenant sans contenu mais qui se transmet quand même : quand je vois le moule de santon en creux, je peux deviner de quoi il s'agit. Dans ce que je ne dit pas, l'autre entend ce qui n'est pas dit. le secret modifie le comportement de celui qui le porte, comme s'il mettait tout autour quelque chose pour l'éviter (comme le moule). Ce secret s'exprime aussi chez celui qui le porte comme un symptôme, qui se transmet à la génération d'après. Pour sortir de la répétition, il s'agit de sortir du secret, cela peut être nécessaire voire indispensable d'avoir l'aide d'un tiers  (psy).

 

En résumé

Donc, on ne peut pas tout dire aux enfants à n'importe quel moment. On peut tout dire ce qui les concerne, à condition de bien le dire, de manière bienveillante quand ils sont prêts à l'entendre. La Parole libère, mais il y a des conditions à cela : il ne s'agit pas de bavardage, de nudité, mais de parole posée, bien dite, qui a un effet. Si on ne dit pas de façon correcte, cela peut être traumatique! De même, la parole libère celui qui parle, mais pas forcément celui qui entend, s'il n'est pas prêt à entendre! Dire un secret se réfléchit, se mature, se prépare (avec l'aide un tiers, ça peut aider). Il s'agit d'être bienveillant, donc de tenir compte de soi ET de l'autre. Sinon, les dégâts peuvent être dramatiques, dans la relation, dans les familles, avec une culpabilité qui peut détruire soi et l'autre.

 

Des confidences

Quant aux confidences, attention, chacun sa place ! L'enfant n'est pas là pour porter son parent ou l'aider, ce n'est pas son rôle! De même, lui confier un secret à ne pas divulguer par exemple à l'autre parent est très délétère, et le place en conflit de loyauté qui créera automatiquement de la souffrance

 

Catherine Chastagner

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